Le travailleur étranger en situation irrégulière ignore très souvent ses droits en cas de licenciement. De plus, quand bien même il est informé de ses droits, la crainte des représailles le dissuade d’agir en justice.
La loi n°81-941 du 17 octobre 1981 a reconnu une protection minimale obligatoire à ces travailleurs démunis d’autorisation d’exercer une activité salariée.
Elle a en effet prévu à l’article L341-6-1 du code du travail que tout étranger a droit au titre de la période d’emploi illicite au paiement de ses salaires et accessoires. Durant l’exécution de son contrat de travail, il est ainsi assimilé à un salarié autorisé à travailler.
Une indemnité forfaitaire d’un mois de salaire était également accordée en cas de rupture de la relation de travail. Il n’était donc plus identifié à un salarié en situation régulière dans ce cas.
Cette indemnité forfaitaire assez dérisoire a été revalorisée avec la loi du 16 juin 2011 qui a par la même occasion précisé la procédure de recouvrement des sommes qui seraient dues au salarié (1).
Désormais, comme prévu par l’ancien dispositif, il a droit au paiement de ses salaires et accessoires mais « (…) en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à trois mois de salaire (…) » ou aux indemnités légales de rupture selon la solution la plus favorable (2).
L’indemnité forfaitaire est égale à 6 mois de salaire lorsqu’il ne fait l’objet d’aucune déclaration auprès des organismes de protection sociale ni de l’administration fiscale.
Elle est due même si la durée de la relation de travail a été moindre et est calculée en tenant compte des éventuelles heures supplémentaires accomplies dans les 6 mois précédant la rupture du contrat de travail.
Le salarié pourrait donc prétendre à l’indemnité légale de licenciement ou à l’indemnité compensatrice de préavis uniquement si cette somme est supérieure à l’indemnité forfaitaire (3).
Certes plus élevée avec la loi de 2011, il est cependant dommage que cette indemnité forfaitaire ne soit cumulable avec aucune autre indemnité de licenciement.
Ces dispositions sont applicables aussi bien aux travailleurs sans papiers recrutés par l’employeur en connaissance de cause qu’à ceux ayant dissimulé leur véritable identité.
Sur le motif du licenciement, il convient de rappeler que, la situation irrégulière du salarié ne constitue pas à elle seule une faute grave.
En effet, si la Cour de cassation considère que cette situation est une cause objective justifiant le licenciement, l’employeur ne peut pour autant se fonder sur cet élément pour se soustraire de ses obligations (4).
Ainsi, s’il souhaite priver le salarié de ses indemnités notamment en retenant à son encontre une faute grave, il devra la qualifier en invoquant tout motif autre que son emploi illégal.
Dans ce cas, la procédure de licenciement devra être respectée et, si cette faute est retenue, le travailleur pourrait être privé de son droit à l’indemnité.
Le licenciement devant être immédiat pour le travailleur en situation irrégulière, il ne pourra donc pas prétendre à des dommages et intérêts pour non-respect de la procédure car ces dispositions ne lui sont pas applicables (5).
L’indemnité forfaitaire est alors considérée comme suffisante pour réparer tous les dommages nés de ce licenciement aussi abusif soit-il. Aucun cumul n’est malheureusement possible (6) et ceci même en cas de travail dissimulé (7).
Toutefois, la Cour de cassation a désormais clairement admis le cumul de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé avec toutes autres indemnités même légales ou conventionnelles de licenciement auxquelles aurait droit le travailleur en situation régulière (8).
Reste alors pour le travailleur démuni d’autorisation de travail la possibilité de prétendre à une indemnisation supplémentaire s’il rapportait la preuve que certains préjudices subis ne sont pas entièrement réparés par l’indemnité forfaitaire allouée (9).
Cette preuve semble cependant très difficile à établir au vu de la précarité de son embauche et de son statut durant toute l’exécution du contrat de travail.
Si en cours d’instance le salarié est placé en rétention administrative ou assigné à résidence, reconduit à la frontière ou quitte le territoire français dans le cadre d’un départ volontaire, sa créance est déposée sous 30 jours auprès de l’office français de l’immigration et de l’intégration, laquelle lui sera par la suite versée.
Il est alors mis à la charge de l’employeur condamné les frais d’envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel le salarié serait retourné le cas échéant (10).
En définitive, cette triste réalité démontre un énorme contraste entre l’étendue des droits dont dispose le travailleur sans papiers durant toute l’exécution de son contrat du fait de son assimilation à un salarié autorisé à travailler, et la limitation de ces mêmes droits en cas de licenciement.
Ceci pourrait justifier le manque de scrupule des employeurs qui n’hésitent pas à dissimuler tant l’activité que l’emploi salarié au mépris des dispositions légales.
Le ratio entre le gain qu’ils pourraient réaliser par une rémunération des salariés clandestins en dessous du minimum légal et des indemnités forfaitaires très limitées et non cumulables qu’ils pourraient être contraints de verser fait peser la balance.
Ils prennent alors le risque de se voir appliquer des sanctions pénales bien plus lourdes.
Le travailleur en situation irrégulière devrait donc faire de même, agir, faire entendre sa voix, et ne pas perdre de vue que, cette procédure essentiellement civile a pour but unique de préserver ses droits, aussi limités soient-ils, et est distincte de toute autre instance relative à sa circulation irrégulière sur le territoire français.
1. Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité – Titre IV.
2. Code du travail, article 8252-2.
3. Cour de cassation chambre sociale 8 décembre 2009 n° 08-42100.
4. Cour de cassation chambre sociale 26 juin 2008 n° 07-40434.
5. Cour de cassation chambre sociale 13 novembre 2008 n° 07-40689.
6. Cour de cassation chambre sociale mardi 29 janvier 2008 n° 06-44983.
7. Cour de Cassation chambre sociale 14 février 2018 n° 16-22335.
8. Cour de cassation chambre sociale 6 février 2013 n° 11-23738 et 20 février 2013 n°11-26133.
9. Code du travail, article L8252-2 in fine.
10. Code du travail, article R8252-4