« Nous demandons des mesures urgentes, humanistes et concrètes pour la régularisation des travailleurs sans papiers ».
Tribune Libération, 11 septembre 2023
Tels sont les termes utilisés par quelques parlementaires dans la tribune du 11 septembre 2023, par laquelle ils réclament trois mesures phares en faveur de la régularisation des travailleurs sans papiers.
Pour rappel, toute personne vivant en France irrégulièrement peut être régularisée par la procédure d’admission exceptionnelle au séjour1.
Cette procédure permet aux étrangers non européens en situation irrégulière d’obtenir une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale », « salarié » ou « travailleur temporaire », selon leur situation.
S’agissant d’une procédure dérogatoire, elle peut faire l’objet de refus notamment si le demandeur représente une menace pour la France, ou lorsqu’il vit en situation de polygamie.
Pour la régularisation au titre de l’admission exceptionnelle au séjour par le travail, il convient de disposer d’un contrat de travail ou d’une promesse d’embauche, de justifier d’une certaine ancienneté sur le territoire français qui devra être de 3 ou 5 ans selon la durée de l’activité salariée antérieure, qu’il convient également de justifier.
Si cette procédure représente le sésame pour les étrangers ne disposant d’aucun autre moyen pour obtenir une régularisation, au-delà de son cadre légal, le réel obstacle demeure aujourd’hui le cercle vicieux permanent, persistant et croissant auquel ils font face sur le terrain.
En effet, outre les modifications récurrentes quant aux modalités de dépôt de leurs dossiers de régularisation, modalités qui varient suivant les préfectures, avec la dématérialisation progressive, les dossiers déposés sur les espaces dédiés, « Démarches simplifiées » ou « ANEF », ne font l’objet d’aucune analyse et encore moins consultation par les préfectures parfois pendant plus de 24 mois, avant de faire l’objet d’un soudain classement sans suite dont le demandeur n’est très souvent pas informé.
Ainsi, devant plusieurs préfectures, au-delà de l’existence de la procédure d’admission exceptionnelle telle que prévue par les textes, en pratique, il est tout simplement impossible d’y recourir.
Que dire du drame né de la multiplicité des demandes, qui est sans lien avec un éventuel assouplissement de la politique migratoire d’entrée sur le territoire français car, c’est tout le contraire.
En effet, le profil des candidats à l’admission exceptionnelle regroupe désormais aussi bien les étrangers jadis en situation irrégulière que ceux ayant pourtant obtenu leur régularisation, mais qui l’ont subitement perdu face à l’impossibilité d’obtenir un rendez-vous pour le renouvellement de leur titre de séjour.
Si cette tribune parlementaire fait un énième rappel quant aux alertes des professionnels et diverses associations, elle ne suffira certainement pas à faire bouger les choses.
Elle pourrait ainsi se contenter de créer un nouvel espoir utopique pour les étrangers qui attendent les mesures relevées depuis trop longtemps.
Elle a toutefois le mérite de ressasser par les trois mesures sollicitées des situations ubuesques, qui nécessitent une action :
- Le rétablissement du droit au travail pour les demandeurs d’asile durant le délai de carence avant lequel ils ne peuvent demander une autorisation de travail ;
- La nécessité d’une régularisation de travailleurs sans papiers dans tous ces métiers dont les employeurs en recherche permanente de main d’œuvre ne la trouve que chez les personnes en situation irrégulière « La France qui se lève tôt ». Il est en effet temps de mettre un terme à cette « hypocrisie collective » !
- L’urgence à remédier à la situation d’asphyxie des préfectures qui conduit à fabriquer chaque jour de nouveaux sans-papiers car, du jour au lendemain, faute de rendez-vous, des personnes en situation régulière, insérées de tout point de vue basculent en situation irrégulière et perdent tous leurs droits !
La fixation d’un délai maximal à l’administration pour accorder un rendez-vous en préfecture, et une augmentation du nombre de rendez-vous, est donc bien une mesure impérative.
Remettre ces problèmes en mémoire ne peut qu’être bien reçu par les professionnels, associations et étrangers désespérés, qui ne trouvent pas de solution même en multipliant les recours devant les juridictions administratives, désormais saturées par les « Référés suspension » et « Référés mesures utiles ».
Toutefois, si les parlementaires affirment qu’ils prendraient l’initiative de ces mesures en cas d’inertie du gouvernement, il convient d’être vigilant.
Le texte attendu à l’Assemblée nationale dans quelques mois pourrait alors être source de déception.
En tout état de cause, eu égard à la détérioration croissante des conditions administratives de régularisation des étrangers en France ces dernières années, il convient de rester vigilant, de poursuivre le travail sur le terrain, sans relâche, sans espérer une sortie rapide de ce gouffre.
1 Article L435-1, Code de l’entrée et du séjour des étrangers