Au sein des États parties aux conventions Enlèvements d’enfants de 1980 et protection des enfants de 1996, les autorités centrales ont reçu 2270 demandes de retour en 2015. Dans 73% des cas, c’est la mère qui a enlevé l’enfant et dans 80% des cas, la personne ayant enlevé l’enfant en avait la garde à titre principal ou partagé (1).
Hugo est né le 15 octobre 2012 à Metz, de deux parents de nationalité française.
Suite à la séparation du couple, le 28 septembre 2015, le Tribunal d’arrondissement de Luxembourg a fixé sa résidence habituelle chez le père et a accordé un droit de visite et d’hébergement à la mère.
Tout se passait très bien jusqu’à l’été 2018 au cours duquel, Madame se rend en France avec Hugo et décide de ne pas retourner au Luxembourg, sans avoir au préalable obtenu une décision de justice modifiant les modalités d’exercice de son droit de visite et d’hébergement.
Monsieur saisi rapidement les autorités centrales de Luxembourg aux fins de voir ordonner le retour de l’enfant en application des règles relatives à l’enlèvement international d’enfant !
Le procureur de la République de l’État français a donc assigné Madame en justice sur ce même fondement, afin que le juge aux affaires familiales ordonne le retour d’Hugo.
L’argument de Monsieur est le suivant : en cas de non-retour illicite, lorsque les autorités de l’État membre dans lequel l’enfant avait sa résidence habituelle statuent et ordonnent le retour, les juridictions de l’État dans lequel l’enfant a été illicitement déplacé ne peuvent le refuser dès lors que le droit de garde du père avait été fixé par ces premières juridictions.
La Cour de cassation, saisi d’un pourvoi contre la décision rendue en première instance puis en appel ayant rejeté la demande de retour immédiat d’Hugo, n’est pas de cet avis.
Rappelons le principe prévu par l’article 12 de la Convention de la Haye : lorsque l’enfant a été déplacé ou retenu illicitement depuis moins d’un an à la date de saisine de la juridiction de l’État d’accueil, l’autorité de cet État doit ordonner son retour (2).
Sans méconnaitre les dispositions de cet article, la Cour rappelle que l’article 13b de cette même convention prévoit une exception au retour immédiat de l’enfant lorsqu’ « il existe un risque de danger grave ou de création d’une situation intolérable », circonstances qui « doivent être appréciées en considération primordiale de l’intérêt de l’enfant » (3).
Hugo avait fait l’objet d’une expertise pédopsychiatrique dont les conclusions faisaient état du caractère obsessionnel et contrôlant de son père, un comportement tyrannique, des actes de maltraitances, l’enfant manifestant un état d’anxiété important accompagné d’hallucinations auditives et visuelles, terrorisé à l’idée de retourner vivre chez son père.
Face à de tels éléments factuels, un enlèvement illicite a été jugé licite, Hugo ne retournera pas chez son père à la fin des vacances, en dépit de la décision ayant fixé sa résidence chez Monsieur lors de la séparation du couple.
Puisque nous sommes en période de vacances, afin d’anticiper de tels désastres, faisons le point sur les indispensables.
Les textes qui encadrent les déplacements et retentions illicites d’enfant sont d’abord, la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, complétée par le règlement Bruxelles II bis (4).
Dans le cadre de l’exercice du droit de visite et d’hébergement, sauf en cas d’interdiction de sortie du territoire, tout parent peut passer des vacances avec l’enfant dans un pays autre que celui de la résidence habituelle.
Un tel départ ou déménagement devient illicite dès lors qu’il intervient en violation du droit de garde attribué à l’autre parent par l’État de résidence habituelle immédiatement avant son déplacement (5).
Le juge saisi d’une demande de retour doit donc avant tout rechercher si le parent qui fait la demande est investi du droit de garde (6). Le parent victime d’un déplacement illicite devra donc fournir par exemple une copie du jugement dans lequel le droit de garde lui était accordé ou les dispositions de l’État d’origine définissant les conditions d’exercice de l’autorité parentale en l’absence de jugement.
L’objectif de la Convention de La Haye est que l’enfant retourne, le plus rapidement possible, dans l’État de sa résidence habituelle. C’est alors le juge de l’État de cette résidence habituelle qui est le mieux placé pour statuer sur les droits parentaux.
En principe, si le déplacement illicite est constitué, le retour de l’enfant doit être ordonné immédiatement si la demande a été faite dans l’année de ce déplacement, ou même au-delà d’un an sauf s’il est établi que l’enfant est intégré dans son nouveau milieu (7).
Les exceptions au retour immédiat sont les suivantes (8) : le demandeur n’exerçait pas de façon effective son droit à l’époque du déplacement ou l’avait consenti postérieurement, il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique ou ne le place dans une situation intolérable, l’enfant s’oppose à ce retour et a atteint un âge et une maturité où il se révèle approprié de tenir compte de son opinion.
En France, ces dispositions sont interprétées à la mesure de de la Convention de New-York selon laquelle « l’intérêt de l’enfant doit être une considération primordiale » dans toutes les procédures le concernant (9).
Attention, lorsqu’un risque grave est invoqué, selon l’article 11 du règlement Bruxelles II bis, les juges ne doivent pas refuser le retour s’il est établi que des mesures de protection ont été prises dans l’État de la résidence habituelle de l’enfant. En France, il appartient au Procureur de la République, qu’il est important de saisir très rapidement, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de l’enfant après son retour (10).
Enfin, rappelons-le, au sein de l’Union Européenne, a été instituée la procédure dite de « fast-track » selon laquelle, si le juge du fond fixe la résidence habituelle de l’enfant chez le parent qui est resté dans l’État d’origine et le juge de l’État de refuge rejette la demande de retour, la décision du premier juge rendue par la suite et ordonnant ce retour s’impose et l’enfant doit revenir dans l’État de sa résidence habituelle (11).
Ce mécanisme n’est cependant pas applicable si le juge de l’État où l’enfant est désormais établi n’a pas signé la Convention de La Haye.
Il est donc capital d’avoir les bons réflexes face à une telle situation, d’agir très rapidement, et surtout de ne pas exclure une démarche amiable préalable qui pourrait être nécessaire voire suffisante pour préserver tant les droits des enfants que de chaque parent.
(1) Conférence de la Haye de droit international privé, Printemps 2018, lettre des juges sur
la protection internationale de l’enfant P.7.
(2) Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants, Article 12.
(3) Cassation Civile 1ère, 27 juin 2019 n°19-14.464.
(4) Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000.
(5) Article 3, Convention de La Haye, 25 octobre 1980.
(6) Cassation civile 1ère., 14 mars 2012, n° 11-17.011.
(7) Article 12, Convention de La Haye, 25 octobre 1980.
(8) Articles 13al1a, 13al1b, 13al1c, Convention de La Haye, 25 octobre 1980.
(9) Article 3, 1, Convention internationale des droits de l’enfant, 20 novembre 1989
(10) Article 1210-4, 4º, dernier al., Code de procédure civile.
(11) Article 11, al. 6 et 8, Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale.