La loi du 18 novembre 2016 a introduit en droit français la procédure de « divorce par consentement mutuel sans juge ». Motivée par une volonté de « permettre un règlement plus simple et plus rapide des divorces non contentieux » elle avait pour objectif de « rendre la justice plus efficace, plus lisible et plus accessible (…) » (1).
Avant, le divorce par consentement mutuel était initié devant le juge aux affaires familiales. Désormais, le divorce sans juge devient la forme obligatoire à l’exception des cas où une homologation de la convention de divorce est nécessaire, notamment si l’enfant mineur demande à être entendu par le juge ou lorsque l’un des époux est placé sous l’un des régimes de protection des majeurs (Tutelle, curatelle…).
Au-delà de ces cas clairement exclus, on devrait peut-être envisager une nouvelle exception au recours à cette procédure.
En effet, en dépit de sa prétendue simplicité, elle semble poser une équation à plusieurs inconnus pour les couples ayant des attaches avec d’autres États.
Plusieurs difficultés sont ainsi rencontrées lorsque la situation familiale ou la convention de divorce régularisée présente un ou plusieurs éléments d’extranéités (nationalité étrangère, mariage célébré à l’étranger, droit de visite exercé à l’étranger …).
Se pose alors la question de la circulation transfrontière de cette convention au vu de son caractère purement contractuel.
Au sein de l’Union Européenne, le Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil dispose en son article 46 que « Les actes authentiques reçus et exécutoires dans un État membre ainsi que les accords entre parties exécutoires dans l’État membre d’origine sont reconnus et rendus exécutoires dans les mêmes conditions que des décisions » (2).
L’article 39 donne des précisions sur ces conditions en ces termes : « La juridiction ou l’autorité́ compétente de l’État membre d’origine délivre, à la requête de toute partie intéressée, un certificat ».
Dans le prolongement de cet article il est prévu en droit français qu’il appartient au notaire ayant reçu en dépôt la convention de divorce de délivrer ce certificat en vue de sa reconnaissance et de son exécution à l’étranger (3).
Le certificat ainsi délivré, du moins pour les questions liées à la matière matrimoniale et la responsabilité parentale, rendra donc exécutoire la convention au sein de l’Union européenne.
Sur le droit de visite et d’hébergement, ce même Règlement en son article 41 précise que ce droit « accordé par une décision exécutoire rendue dans un État membre » est reconnu et jouit de la force exécutoire dans un autre État membre si cette décision a été « certifiée dans l’État membre d’origine » par « le juge d’origine » à condition que toutes les parties aient « eu la possibilité d’être entendues ».
Le notaire, officier public ayant acquis une compétence certaine en matière de divorce sans juge, n’a cependant pas la qualité requise pour procéder à l’audition de l’enfant mineur. L’époux qui souhaite rendre exécutoire ces dispositions devra donc à nouveau saisir les juridictions de l’État d’origine.
Ces difficultés sont également observées pour ce qui est de l’application effective des stipulations relatives à l’obligation alimentaire car le Règlement (CE) qui traite de cette question prévoit en son article 48 que « Les transactions judiciaires et les actes authentiques exécutoires dans l’État membre d’origine sont reconnus dans un autre État membre et y jouissent de la même force exécutoire que les décisions » (4).
Le divorce sans juge étant matérialisé par un acte sous signature privée contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire, il ne saurait être rattaché à aucune de ces deux catégories.
De ce fait, l’application de la convention de divorce sans juge hors de l’Union européenne semble relever de l’utopie. Tout dépendra alors de l’ordre juridique de l’État dans lequel la reconnaissance et l’exécution seront envisagées.
Plus encore, le divorce sans juge pourrait être considéré dans plusieurs États comme contraire à l’ordre public, à l’instar du Tribunal de Sidi M’Hamed en Algérie se fondant sur l’article 49 du Code de la famille local (5), du TPI d’Oudja au Maroc qui ne reconnaît pas la valeur de cette convention (6). Le TPI de Tunis a quant à lui reconnu à cet acte la valeur d’un divorce judiciaire (7).
« Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà », le divorce extrajudiciaire ne fait pas l’unanimité.
Il appartiendra alors aux avocats d’anticiper de telles problématiques, en proposant une procédure de divorce certes moins rapide et plus onéreuse, mais qui produirait des effets au-delà des frontières.
Il s’agirait par exemple d’opter pour la procédure contentieuse de divorce accepté, d’autant plus que les époux auront la possibilité à compter du 1er septembre 2020 d’accepter le principe de la rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et de saisir par la suite le juge afin qu’il statut uniquement sur les conséquences du divorce (8). Ils pourront également soumettre leur demande de divorce da façon conjointe au juge et accepter le principe de la rupture en sa présence (9).
Une autre solution pourrait être de saisir le juge afin que soit homologuée la convention de divorce sans juge, particulièrement lorsque nous sommes en présence d’un enfant mineur.
Quoiqu’il en soit, toutes ces difficultés devront être exposées aux clients qui pourront alors opter pour la célérité ou la sécurité, mais en toute connaissance de cause.
Au-delà de ces tentatives de solution certainement provisoires, on pourrait tout simplement continuer d’espérer une réforme afin que soit conféré au divorce extrajudiciaire une valeur autre que contractuelle, et pourquoi pas la qualification d’acte authentique tel que le prévoit le droit grec dans le cadre de la convention de divorce sans juge.
1. Loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016, article 50.
2. Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale.
3. Code de procédure civile, Article 509-3.
4. Règlement (CE) no 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires.
5. Tribunal de Sidi M’Hamed, Algérie, 26 septembre 2017, n°05179 / 17.
6. TPI d’Oudja, Maroc, 29 janvier 2018.
7. TPI Tunis, ordonnance de référé, 14 novembre 2017, n°86358.
8. Loi n° 2018-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice.
9. Code Civil, Article 233 Nouveau, version en vigueur au 1er septembre 2020.